La Gestation Pour Autrui : marchandisation du corps des femmes
La seule alternative à l’exploitation reproductive des femmes – toujours économiquement vulnérables – et à l’achat et la vente de nouveau-nés ne passe pas par leur réglementation, mais par l’abolition mondiale de cette pratique contraire aux droits humains les plus élémentaires. Opposé « à la marchandisation des corps des femmes et donc à la gestation pour autrui Femmes Solidaires (mouvement féministe d'éducation populaire) salue la position du Comité d'éthique sur le maintien de l'interdiction de cette violence faite aux femmes.
la Coalition Internationale pour l’Abolition de la Maternité de Substitution (CIAMS) à laquelle adhère le Forum Femmes se réjouit également que ce comité « ait émis un avis favorable sur l'ouverture de la procréation médicalement assistée (PMA) aux couples de femmes et aux femmes seules. Par ailleurs, opposées à la marchandisation des corps des femmes et donc à la gestation pour autrui (GPA) »
La Coalition Internationale pour l’Abolition de la Maternité de Substitution (CIAMS)attire l’attention de l’opinion publique sur les travaux de la Conférence de La Haye de droit international privé, qui depuis plus de cinq ans, travaille à la légalisation de facto de la maternité de substitution .Elle devait élaborer un protocole visant à résoudre la question de la filiation des bébés achetés dans le cadre des contrats internationaux de maternité de substitution. Mais non satisfaite de cette mission initiale, elle a délibérément choisi de l’élargir, couvrant désormais toutes les étapes du processus de maternité de substitution, y compris le choix de la mère « gestationnelle » par les parents commanditaires, les contrats, le consentement, les intermédiaires et les aspects financiers. Dans sa tentative de réglementer les accords internationaux en matière de maternité de substitution, la HCCH outrepasse son mandat. La question de la maternité de substitution relève des droits humains et non du droit privé. En outre, il existe un grave conflit d’intérêts, car trois des experts de la HCCH qui proposent une réglementation sont des personnes professionnellement impliquées dans l’industrie de la maternité de substitution.
Qu’est-ce qui a conduit la Conférence de La Haye à contredire des principes fondamentaux tels que l’intérêt supérieur de l’enfant à rester dans sa famille d’origine, la prévention de la vente et de la traite des enfants au mépris ses propres conventions, comme la Convention de 1995 sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale ?
L’examen des 24 pays représentés dans ce groupe d’experts nous donne la réponse : certains sont des pays qui ont choisi de réglementer la maternité de substitution et donc de la rendre socialement acceptable et d’autres élaborent des textes de loi sous le manteau pour ouvrir leur pays à cette pratique. Et ce n’est pas un hasard si ce sont précisément les représentants des pays qui sont les plus virulents pour faire avancer le protocole de La Haye sur la reconnaissance des décisions judiciaires étrangères en matière de filiation dans le contexte des contrats internationaux de GPA. Si l’on ajoute à cela le fait que plusieurs des membres du groupe sont professionnellement impliqués dans l’industrie de la GPA, il est facile de deviner de quel côté la balance penchera ou, en clair, quel sera le parti pris de ces experts.Quel rôle jouent les experts des quelques États abolitionnistes présents dans ce groupe : la Suisse où l’interdiction de la GPA est inscrite dans la constitution, l’Espagne, l’Italie, la France, la Suède et l’Allemagne qui l’interdisent sur leur propre territoire ?! Quelles directives leur sont données par leur gouvernement ? Quelle position adoptent-ils tout au long des débats ? Comment défendent-ils la position de leur État ? Comment partagent-ils leur position abolitionniste commune ? De cette position abolitionniste, nulle trace dans les comptes rendus des travaux du groupe où la démarche règlementariste semble unanime.
Malgré le fait que dans une grande majorité de pays les contrats de GPA sont illégaux, l’instrument juridique sur lequel travaille ce groupe d’experts garantira la filiation à toute personne qui contourne la loi de son pays pour acheter un bébé dans un autre pays où l’exploitation reproductive des femmes a été légalisée, ou est tolérée, et où la vente d’enfants a cessé d’être un crime pour devenir un commerce très lucratif.
En réponse à cette situation, la Coalition Internationale pour l’Abolition de la Maternité de Substitution (CIAMS) a lancé une campagne d’information et un appel pour mettre fin aux travaux de ce groupe d’experts. Elle a déjà été signée par des milliers de personnes et des organisations féministes et de défense des droits humains de 55 pays.
Le 25 novembre, à l’occasion de la Journée internationale pour l’élimination des violences contre les femmes, des organisations féministes et en faveur des droits humains demandent l’interdiction mondiale du commerce des femmes comme mères porteuses
Cet appel s’inscrit en opposition à la convention internationale de la Conférence de La Haye de droit privé (HCCH) visant à réglementer les contrats internationaux en matière de maternité de substitution. Les conventions de la HCCH sont juridiquement contraignantes pour les États membres qui les ratifient.
Les organisations signataires demandent maintenant aux 85 États membres de la HCCH de mettre fin à leur projet sur la maternité de substitution et d’œuvrer pour l’abolition de toutes les formes de commerce d’enfants et de femmes les services reproductifs de reproduction.
Il n’y a aucune nécessité éthique, ou morale, ou politique, à considérer uniquement la réglementation et non l’abolition.
Les seuls intérêts pour réglementer cette pratique sont ceux du bio-marché de la reproduction humaine, marché dont les matières premières sont fournies principalement par les femmes, en raison des difficultés matérielles, économiques et sociales dans lesquelles les maintiennent les inégalités structurelles entre les sexes.
Les organisateurs de cette consultation considèrent comme principale préoccupation de leurs efforts de réglementation, le respect des droits de l’enfant. Les droits de l’enfant, tels que définis par la Convention des Nations Unies, doivent tenir compte de l’intérêt supérieur de l’enfant. Il est ainsi essentiel de se demander si c’est dans l’intérêt supérieur de l’enfant de naître sur commande, par contrat ; si c’est dans l’intérêt supérieur de l’enfant d’être issu d’une sélection embryonnaire eugéniste, voulue et payée par ceux qui demandent sa naissance ; si c’est dans l’intérêt supérieur de l’enfant d’être séparé à la naissance de celle qui le met au monde.
La CIAMS remercie l’ISS de l’avoir invitée à cette consultation et d’avoir pris note de l’existence d’une position abolitionniste, féministe universaliste. Même si nous divergeons quant à la position à adopter par rapport à la GPA, nous partageons les valeurs fondamentales formulées dans les droits humains, et notamment les droits humains des enfants et des femmes.
ANNEXE :
Intervention au nom de la Coalition Internationale pour l’abolition de la maternité de substitution, (coalition composée de 26 associations féministes et de défense des droits humains issues de 8 pays) prononcée lors de la réunion organisée par le Service social international, La Haye, le 8 décembre 2018.
Du point de vue des droits des femmes, la maternité de substitution doit être envisagée d’au moins trois points de vue, en croisant la méthode d’analyse, le langage utilisé pour la désigner et la base de la légitimation des pratiques sociales (les droits humains).
– tout d’abord, en termes de méthode – intellectuelle mais aussi politique – La maternité de substitution doit être considérée comme un phénomène global, à l’échelle mondiale, et non au niveau individuel ou territorial. En tant que phénomène mondial, la maternité de substitution apparaît comme un immense marché générant des profits énormes. Sur ce marché, ce sont les femmes qui fournissent les biens et même la matière première. Les inégalités structurelles entre les femmes et les hommes (au niveau national et international) expliquent le «choix » que certaines femmes font de devenir mères de substitution. Mais ce faisant, ce bio-marché renforce et intensifie les inégalités. En tant que phénomène mondial, la maternité de substitution ne concerne pas seulement les mères porteuses, mais également toutes les femmes et, bien entendu, les relations mondiales entre hommes et femmes.
– deuxièmement, du point de vue du langage. La maternité de substitution devrait être qualifiée de pratique sociale et non de simple technique de reproduction artificielle. Les techniques utilisées sont la FIV (fécondation in vitro et insémination artificielle). Mais la marchandisation d’un être humain n’est pas une technique. La GPA est une pratique sociale, qui peut être considérée comme un ensemble d’arrangements économiques et commerciaux (générant des bénéfices de plusieurs milliards de dollars dans le monde entier). En tant que pratique sociale, les femmes (contraintes à être) les mères porteuses sont les seules personnes qui prennent des risques pour leur santé physique et mentale et même pour leur vie. Toutes les autres parties réalisent des bénéfices ou atteignent leurs objectifs individuels (elles obtiennent le bébé qu’elles désiraient). Cette pratique sociale consiste en une appropriation spécifique des capacités de reproduction des femmes.
– troisièmement, le critère principal est la conformité aux droits humains. En se préoccupant des droits fondamentaux des femmes dans le cadre de la maternité de substitution, il ne faut pas oublier que ces droits sont inaliénables. En outre, les droits humains sont fondés sur la dignité humaine, inhérente à tout être humain. Mais la marchandisation du corps de la personne (femme) ou des parties du corps (femmes) est incompatible avec la dignité humaine. La Déclaration universelle des droits de l’homme a considéré le principe de défense de la dignité humaine comme un objectif essentiel à poursuivre dans le cadre de la souveraineté nationale, mais également dans le cadre des relations internationales, excluant ainsi la légitimité de toute pratique d’échange, à la fois économique et altruiste, dans laquelle le protagoniste principal est un être humain.
La maternité de substitution est contraire à la dignité humaine et aux textes internationaux relatifs aux droits de l’homme en vigueur.
Décider de réglementer la maternité de substitution est une manière de légitimer cette activité. Ce que nous demandons, c’est de considérer l’abolition de la maternité de substitution comme une alternative à la réglementation. Certains États ont réglementé la pratique, d’autres l’interdisent. Il n’existe pas de nécessité éthique, morale ou politique de ne considérer que le choix réglementaire et non le choix abolitionniste. Les États qui interdisent la maternité de substitution sont des États démocratiques, et l’interdiction est fondée sur des références internationales en matière de humains. Les institutions telles que le Parlement européen et l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe ont pris position contre la reconnaissance et la réglementation de la maternité de substitution.
Il est nécessaire de créer les conditions d’une abolition globale de la maternité de substitution.
Nous ne devons pas faire de parallèle avec l’adoption, qui est non seulement légale mais aussi une façon de donner des parents à des enfants abandonnés. Si l’on admet que la GPA porte atteinte à la dignité des êtres humains qui ne peuvent être ni vendus ni utilisés comme de simples choses, alors aucune réglementation n’est possible. Nous ne réglementerions pas le trafic d’êtres humains ou la vente d’êtres humains, mais nous l’interdirions avec de lourdes sanctions.