"La longue course des femmes féministes" Maria-Angels Roque, anthropologue, IEMed.

La longue course des femmes féministes
Maria-Angels Roque, anthropologue, IEMed.

Le prochain lundi 27 Novembre, se déroulera la quatrième conférence Ministère euro-méditerranéen pour renforcer le rôle des femmes dans la société. Même si des dates avaient été retenues l’année dernière pour que la conférence se tienne en Tunisie, et il est maintenant prévu qu’elle ait lieu au Caire, un pays plutôt inconfortable et violent envers les femmes et la liberté d'expression.
On ne peut pas nier que, pour ce qui concerne les droits des femmes, dès la première conférence ministérielle à la fin de 2006 à Istanbul – suivie de celle de Marrakech en 2009 et de Paris en 2013-, des importants changements législatifs ont été adoptés dans les pays du sud et de l'est de la Méditerranée, et certains outils ont même été introduits dans les législations. Pourtant, le Programme des Nations Unis pour le développement (PNUD) affirme toujours que ces changements ne sont pas suffisamment encourageants. Pour cela, lors de la Conférence de Paris, et grâce aux associations féministes, des campagnes constantes sont en train de se développer afin d’effectuer des évaluations des accords pris lors des différentes conférences ministérielles. Cette insistance a pour but de faire pression  sur les gouvernements afin qu’ils exécutent les engagements pris, vu que il existe toujours une grande distance  entre les textes signés et la réalité vécue quotidiennement par les familles.
En 2016, est paru le premier rapport de la Fondation des femmes euro-méditerranéennes (FFEM), dont le siège est à Barcelone, qui a présenté un suivi des politiques approuvées dans les conférences ministérielles euro-méditerranéennes. Ce rapport recueille les cas de douze pays: Algérie,
Egypte, Espagne, France, Grèce, Italie, Jordanie, Liban, Maroc, Portugal, Tunisie et Turquie. L'étude ne veut pas être exhaustive, précisément pour pouvoir se concentrer de manière qualitative sur certains piliers qui constituent les politiques d'égalité: la participation dans la vie économique, la participation politique et ses obstacles, ainsi que toutes les formes de violence subies par les femmes.
Si nous concentrons notre attention sur l'économie, nous pourrons vérifier que, en Espagne et au Portugal,  la crise a eu un impact très négatif  sur les femmes. Dans la sphère politique, nous pouvons constater que le Liban maintient les pires lois en matière de droits des femmes à cause de ses quotas communautaires.  Quoi qu'il en soit, les rapports par pays éclairent une série d'obstacles partagés par tous les pays au regard de la présence des femmes dans les lieux de décision. Même dans les pays avec un développement économique plus élevé, la représentativité politique des femmes est minime. Cependant, sur ce rapport on peut aussi trouver des exemples de succès qui peuvent servir à encourager d’autres femmes de la région euroméditerranénne en ce qui concerne les domaines politique et économique. Le fait que le contexte économique et sociopolitique ait été dégradé  ne doit pas remettre en question les engagements. Les gouvernements, dans le cadre de la prochaine conférence ministérielle, doivent compléter ces engagements. Le deuxième rapport de la FFEM voulait aller plus loin, en utilisant une méthodologie appliqué aux villes moyennes et les zones périurbaines du sud et de l'est de la Méditerranée. Ainsi, sept zones ont été choisies en Algérie, Égypte, Jordanie, Liban, Maroc, Palestine et Tunisie.  Les diagnostics ont été coordonnés par les associations féministes, qui ont mobilisé différents acteurs dans chaque lieu: administrations locales, centres de recherche, syndicats, médias, etc.
Actuellement, ces associations sont en train de promouvoir des  campagnes locales pour mieux faire appliquer les lois. Quelles recommandations pouvons-nous en extraire pour la conférence ministérielle qui aura lieu le lundi prochain ?

1.    Harmoniser les lois nationales avec les Constitutions et combler les lacunes de la magistrature qui permettent encore des pratiques discriminatoires envers les femmes.

2.    Reconnaître que les barrières politiques, économiques et éducatives, ainsi que les violences basées sur le genre, s’appuient sur une mentalité patriarcale qui pérennise la discrimination à l’encontre des femmes.

  1. Le besoin de former et de sensibiliser les acteurs concernés pour réduire les énormes écarts entre les dispositions juridiques visant à faire changer les mentalités et les attitudes et comportements des personnes chargées d’appliquer ces dispositions (juristes, personnel de police, entreprises, éducateurs-trices, mass-médias, etc.).

4.    Associer les administrations locales avec les associations féministes et des droits humains travaillant aux mêmes endroits, puisqu’elles savent mieux quels sont les problèmes et les demandes. La société civile produit de nombreuses études et elle fournit des données sur le terrain spécifique. Tout cela doit être pris en compte pour atteindre des sociétés plus égalitaires et justes sur les deux rives de la Méditerranée


Beaucoup de problèmes persistent pour les femmes, mais il est vrai que de nombreuses pratiques et initiatives sont en cours et qu’elles sont de plus en plus connues et diffusées afin d'encourager un changement des mentalités dans toute la région. Comme coureurs de longue distance, les femmes trouvent important de franchir des étapes significatives au sein de la société afin d'avancer vers la pleine réalisation des droits éducatifs, politiques, économiques et sociales des femmes et des hommes.